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Blog d'une Analyste de risque en "herbe"
8 mai 2010

Un volcan peut-il arrêter la mondialisation ?

Airport Les cendres du volcan islandais se dissipent à peine (temporairement?) et l'heure des comptes sonne déjà. Surtout, les acteurs économiques les plus touchés se bousculent au portillon pour encaisser aides, prêts ou autres subsides de l'Etat. J'ai moi-même été au cœur de ce maelström puisque j'étais parti quatre jours visiter Copenhague et ne viens que de rentrer avec... cinq jours de retard. Vu de Scandinavie, la situation catastrophique de centaines de milliers de passagers en transit semble assez lointaine. Peut-être est-ce dû à la légendaire modération scandinave? Ou à l'organisation mise en place (par exemple, comptoirs SAS déportés dans les grands hôtels). Ou encore aux moyens de communications modernes (mobiles, emails) permettant de s'organiser et de prévenir ses proches simplement. En tout cas, rien qui ne justifie les propos outranciers de Christian Estrosi, utilisant cette péripétie dans une grossière manœuvre politique contre les grévistes SNCF (même si le fond peut être compréhensible, le ridicule de la comparaison rend inaudible cette sortie).

Sur le plan humain, cela reste désagréable mais il faut se rendre à l'évidence quant à la force de la nature et au fait que celle-ci puisse paralyser temporairement l'activité humaine, que ce soit via un volcan ou les chutes de neige hivernales. Ceci étant, rien que de très supportable comparé aux catastrophes naturelles telles que le tsunami ou le séisme en Haïti. Il convient donc de relativiser et de se garder de tout ethnocentrisme. Humilité de mise donc mais sans aller jusqu'au concert de réactions interprétant cet événement comme une revanche de Gaïa face aux avanies qu'on lui fait subir. Plus sérieuses sont les leçons économiques à tirer de l'événement voir politiques (notamment le cafouillage dans la concertation européenne dénoncée entre autres par Bernard Kouchner et qui n'est qu'un énième avatar que ce que je décrivais dans mon précédent post).

Alors quelles sont les conséquences économiques? Les pertes pour les compagnies aériennes sont estimées à 1.7 milliards de dollars. L'équation est évidente: perte de revenus et frais fixes = perte nette. On peut cependant s'étonner d'entendre que cinq compagnies seraient proches du dépôt de bilan par manque de liquidité. Cela démontre une fragilité extrême du secteur: un arrêt d'exploitation de cinq jours suffirait à mettre en péril ces entreprises. Ou alors s'agit-il d'une exagération des impacts pour demander des subsides, dont l'UE s'est déjà déclarée prête à en accepter l'augure. Là encore, il paraît étonnant de demander aux contribuables de financer des sociétés pour un arrêt d'exploitation somme toute limité dans le temps. Par ailleurs, on peut s'interroger sur la justice de telles aides. En effet, de nombreuses (mais beaucoup plus silencieuses) sociétés ont eu à souffrir de cet arrêt: aéroports eux-mêmes (privés de taxes de décollage/atterrissage), boutiques et restaurants d'aéroports, sous-traitants des compagnies aériennes tels que les services de nettoyage ou de catering.

Airport 2Qu'en est-il par ailleurs des pertes plus globales du système? Le Monde, notamment par la voix d'Elie Cohen, parle d'une "annulation de la mondialisation" et de répercussions dans de nombreux secteurs. Prenons l'exemple de l'hôtellerie. Si j'en croie les discussions que j'ai eues à Copenhague, l'impact était quasi nul. En effet, si plus personne n'arrivait... plus personne ne partait. Le flux était très réduit mais le "stock" intact. Pour la perte de journées de travail évoquées par Elie Cohen, elles ont été minimisées par les possibilités de télé-travail ou sinon passées en congés payés ou RTT... rattrapés plus tard.

Pour ce qui est de l'effet global induit dans le système et d'une potentielle annulation de la mondialisation, 80 à 90% des échanges internationaux se font par voie maritime. Cette affirmation est donc gratuite. Seuls les produits a très forte valeur ajoutée (électronique, pharmaceutique) utilisent le transport aérien. Or, on assistera à un effet de décalage mais pas à une réduction des volumes à terme. Comme le souligne l'article de Libération cité en début de ce post, les effets seront anecdotiques (fleurs kenyanes ...).

Loin de moi le fait de nier les problèmes et coûts engendrés par le phénomène d'autant plus que je les ai vécus personnellement. Mais parler de gel de la mondialisation, d'effets très forts sur l'économie globale ou encore de "revanche" de Mère-Nature sont des réactions épidermiques et exagérées. Le challenge va plutôt consister à savoir s'il faut aider et comment le secteur de l'aérien (en n'oubliant pas les sous-traitants) et à le rendre moins sensible à ce type d'aléa.

© Photos Reuters

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