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Blog d'une Analyste de risque en "herbe"
4 novembre 2009

Une expérience inoubliable

FORMATION. Le temps d'une nuit, les étudiants de l'Inseec ont simulé des situations de crise dans des entreprises. La méthode les prépare à affronter le monde du travail. Stressant

La nuit de l'angoisse

De 23 heures à 7 heures du matin, les 200 étudiants ont eu à gérer des harcèlements sexuels, des enlèvements, la pose de bombes dans des lieux publics ou la grève de milliers d'employés. (PHOTO LAURENT THEILLET)

De 23 heures à 7 heures du matin, les 200 étudiants ont eu à gérer des harcèlements sexuels, des enlèvements, la pose de bombes dans des lieux publics ou la grève de milliers d'employés. (PHOTO LAURENT THEILLET)

«Pas de panique. Nous allons maîtriser la situation. » Face à son staff, le PDG d'Eurodisney annonce la nouvelle. Blême. Un appel anonyme vient de lui annoncer que trois bombes ont été placées dans le parc d'attractions. Canular ? Vraie alerte ? Ses responsables échafaudent les scénarios possibles. Devant eux, des ordinateurs portables, des paquets de bonbons, de chips, de biscuits et des boissons énergisantes.

Nous sommes vendredi soir, 23 h 15, à l'Inseec, école supérieure de commerce, rue Raze à Bordeaux. Les 200 étudiants en dernière année débutent leur nuit de la crise. Pas de sortie entre copains ce soir, ils sont dans la peau de chefs d'entreprise. Talons et chemisiers pour les filles brushées et maquillées comme des princesses. Pas un jean chez les garçons. La cravate et la veste sont le dress code de la soirée.

L'organisateur de la soirée, Emmanuel Bossard défend « la pédagogie par l'action ». Quitte à faire passer une nuit blanche aux étudiants. Pas pour simplement simuler. L'exercice, une première dans l'établissement qui prépare aux métiers du management, est noté individuellement.

Des bombes chez Mickey

Chez Eurodisney, la gestion de la crise se déroule mal. Dix minutes pour appeler la police, cinq de plus pour avertir les services de la sécurité du parc. « Vous n'êtes pas assez réactifs », avertit l'animateur du groupe. Nouvelle menace des hypothétiques poseurs de bombe. Il s'agit en fait d'autres étudiants qui pendant deux heures vont alimenter la crise au sein du groupe qui travaille chez Mickey. À la SNCF, deux salles de cours plus loin, ça ne va pas mieux. Tous les billets délivrés aux guichets émettent les numéros de places dans les wagons en double. Tous les trains sont bloqués à quai. 23 h 30 : des messages commencent à être diffusés dans les gares pour prévenir les voyageurs des perturbations. « Trop lent », juge aussi le professeur animateur du groupe. « Et si on appelait les médias ? », propose l'étudiant dans la peau du directeur de communication.

Appel sur le portable du DRH. Face à la confusion totale et le manque de personnel pour renseigner les usagers déboussolés, le syndicat Sud menace de se mettre en grève. La ficelle est grosse. Mais quand on est en crise, il faut s'attendre à tout. À côté, chez BNP Paribas, la PDG, pantalon blanc, veste blanche, très joli collier, du haut de ses 24 ans tout mouillés, n'a rien à se reprocher.

Cachets énergisants

Les renseignements généraux l'ont averti que Le Canard Enchaîné publie dans son édition sortant dans les heures qui suivent des révélations embarrassantes. Dans une lettre envoyée à Jean-François Copé, elle demande au président du groupe UMP à l'Assemblée nationale d'annuler dans les plus brefs délais la taxe additionnelle sur les banques par un nouveau vote, faute de quoi sa société ne financera plus le parti politique du président de la République.

Des journalistes envahissent le siège social. Ils sont refoulés par les services de sécurité. La direction diffuse la lettre incriminée. « Ils assurent bien », note Aziz Zraoula, directeur pédagogique de l'école.

« L'exercice est de bonne guerre », glisse une étudiante dans la peau de directrice du département stratégie de BNP-Paribas. « Mais on prend des risques. Nous avons eu cours toute la journée. On tourne aux cachets énergisants et à la Red Bull. Est-ce qu'on va tenir jusqu'à 7 heures du matin ? »

« Le fait de mettre en situation les étudiants la nuit est voulu. C'est plus difficile à vivre. Au stress, s'ajoute la fatigue. Les situations de crise doivent se gérer de façon réactive mais c'est aussi un exercice d'endurance », remarque Emmanuel Bossard.

« Pétage de plombs » à la BNP

Chez BNP-Paribas, le pétage de plombs a été imprévisible. 0 h 45 : en pleine conférence de presse, Jean-François Copé annonce qu'il se retire de la vie politique suite aux révélations du Canard Enchaîné. La PDG craque. « Ce jeu est nul, lance une étudiante. Les règles sont mal organisées. Comment voulez-vous qu'on réagisse si les attaques sont si rapprochées ? » La gestion de la crise finit en eau de boudin.

1 heure : le groupe débriefe avec le directeur pédagogique. « Vous n'avez pas maîtrisé les journalistes pendant la conférence de presse. Il ne fallait pas les laisser poser des questions sans votre autorisation. »

Pause pipi, clopes et c'est reparti. Les groupes qui jouaient les plastrons deviennent des entreprises. Enlèvement chez Areva en Colombie, manifestations de propriétaires d'une nouvelle résidence construite par Bouygues mécontents, harcèlement sexuel chez Air France.

La gestion des crises est moins brouillonne cette fois-ci. Bien plus proche de la réalité. Le stress au travail, les étudiants de l'Inseec savent désormais ce que c'est.

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La com de crise se professionnalise

Didier Lombard dans ses petits souliers deux jours après le scandale sur les suicides au sein de France Telecom : « Une erreur de communication. La crise a été mal gérée », selon Emmanuel Bossard. Il est un spécialiste en la matière. Depuis cette année, il forme les étudiants en troisième année de l'Inseec à la communication de crise. « Le directeur de l'école, Edgar Girard, dans un contexte de crise justement, a voulu ajouter cette corde à l'arc des élèves avant leur entrée dans le monde du travail pour mieux les préparer à des situations réelles, explique-t-il.

« On a beau avoir des compétences reconnues dans son domaine, faire face à des très mauvaises nouvelles, cela ne s'invente pas. C'est un moment de vérité du management dur à vivre. »

Prof à l'Inseec, Emmanuel Bossard a également une société en conseil et stratégie sur Bordeaux et Paris. « Les entreprises nous demandent de plus en plus ce genre de formation », remarque-t-il. Rares sont celles qui ne réagissent en cas de gros pépin face aux médias aujourd'hui. « Mais certaines ont coulé pour une mauvaise gestion de la crise, note-t-il. Surtout si elles sont cotées en bourse. »

Auteur : LAURIE BOSDECHER
l.bosdecher@sudouest.com

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Commentaires
C
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